L'insuffisance du travail n'est pas la cause de l'insuffisance du PIB

Publié le par jean-claude plantier

Dans la ritournelle de sa propre présentation la station BFM assène comme ''paradoxe français'' le fait que le travailleur français assure une rentabilité extrême pour un marché du travail présentant un chômage tout aussi extrême, quels que soient les efforts consentis.
La ligne éditoriale de cette station très europhile suppose que toute exception française est source de faiblesse du PIB, donc source de déclin.
Les deux faits sont exacts. Le travailleur français est le plus stressé d'Europe Et la baisse récente du chômage n'a de raison avouable que démographique.
Mais où est le paradoxe?
La logique de la vie économique veut qu'un certain nombre de choses se passent et elles se passent, ce qui correspond à un volant d'activité, un certain PIB. Si on pressure les travailleurs pour exécuter les tâches avec la meilleure rentabilité possible, quitte à conduire certains aux frontières du suicide, le travail qui doit être fait nécessite moins d'heures, et on a donc choisi d'y affecter moins de travailleurs. Beaucoup moins qu'ailleurs en Occident.
Les choses se passent ainsi comme elles pourraient se passer autrement. Ceux qui travaillent éprouvent un stress inhumain, les autres sont priés de faire semblant de chercher un emploi, étant entendu que l'extrême rentabilité exigée suppose qu'on exploite jusqu'au bout ceux qu'on a formés pour la garantir.
En d'autres termes, pas de relève des uns par les autres.

C'est là la problématique esclave versus travailleurs citoyens. Faut-il sacrifier la notion même de respect social, de droit du travail au profit de l'actionnaire? C'est un problème politique que le plus grand nombre pourrait trancher par le vote ou la violence. Où chercher l'inspiration? Olivier, Arlette, Marie-jo, un nouvel Action Directe la religion, ou une coordination de toutes les coordinations? Activation du casting ou maintient de l'ordre au service du statut quo? L'avenir restera toujours ouvert.
Il y a là une problématique mais aucun paradoxe.

Et il faut chercher ailleurs l'insuffisance de PIB. L'insuffisance de PNB c'est l'insuffisance de l'activité, la raison même du chômage, sans aucun lien direct avec la problématique esclave versus citoyen.
Quand les phénomènes spontanés tels que consommation et production du secteur privé sont insuffisants, c'est l'occasion pour l'état de recourir à une politique de relance keynésienne, de procéder à des travaux de long terme, de relever les défis de l'avenir. Depuis plus de trente ans nous avons préféré la stagnation. Pourquoi cette stagnation?

Faiblesse de l'investissement? Certainement. Le privé dispose-t-il d'un crédit suffisamment bon marché pour procéder à des investissements? Certainement pas. Francfort veille.

Concurrence déloyale? Déjà certainement au niveau des monnaies que trop de pays laissent filer intentionnellement pour profiter du premier marché commercial du monde qu'est le marché européen. Une dévaluation de l'euro est la réponse naturelle à cette situation. L'Allemagne, pour des raisons historiques qui n'ont rien de vertueux est pratiquement le seul pays en Europe à profiter de cette situation. Elle s'oppose à toute baisse de taux d'intérêt, imposant ainsi une surévaluation structurelle de l'euro.

Concurrence déloyale aussi au niveau du coup social du travail des pays émergeants. Au niveau mondial l'UE a négocié à notre place des accords douaniers désastreux pour l'Europe continentale, à l'exception encore et toujours de la seule Allemagne, pour ces mêmes raisons historiques et sans vertu.
Il y a bien stagnation, malgré des emplois créés chaque année par le secteur des ''services'', le commerce, la distribution. Mais tout cadre commercial saura témoigner de la faiblesse du coût de commercialisation par rapport au coût de production d'un bien industriel produit sur son marché. La raison en est simple. Le coût industriel et la masse salariale dédiés à la production sont bien supérieurs à ce qui est dédié à la commercialisation. Pourquoi? Parce qu'entre les ouvriers employés par les usines de la firme productrice et ceux employés par ses sous-traitants, on a plus de postes de travail, et plus coûteux que ceux qui sont générés par la direction commerciale.

On voudrait inverser cette réalité en s'adressant aux marchés du travail de pays peu performants, aux niveaux de vie misérables, dont les travailleurs acceptent parfois un statut d'esclave, toujours des conditions de travail proches de celles de l'esclavage. Le phénomène progressant, on accepte ici l'extinction de la classe ouvrière, on se réjouit de l'extension des petits emplois de la distribution et du commerce.

Un premier signe de la réalité du phénomène, c'est la mutation de la clientèle traditionnelle du syndicalisme français. Autrefois centrés sur les intérêts ouvriers, les syndicats aujourd'hui ne se préoccupent plus que du sort des fonctionnaires, clientèle stable, déjà protégée, et des immigrés sans papiers, clientèle hors champs.

L'autre signe, c'est depuis plusieurs années le désengagement de l'état des intérêts économiques de la nation. Ses seules actions volontaristes n'ont jamais plus eu pour objet que de complaire aux directives de Bruxelles, aux exigences de Francfort, le plus souvent au détriment de l'économie française:

Il y a eu les manipulations pour qualifier la France en vue de l'Euro, les plus absurdes privatisations (autoroutes) pour satisfaire une règle du jeu complètement artificielle édictée par Bruxelles. L'état assume l'impossibilité tout aussi artificielle et tout aussi bruxelloise d'empêcher la disparition des activités industrielles menacées.

Et puis il y a l'obsession de la dette, comme si les échéances n'étaient pas respectées, comme si la France immortelle était tenue de réduire son endettement global telle l'employé approchant de l'âge de la retraite, le retraité celui de la mort.

Il y a l'obsession du déficit de l'état, comme si la collectivité nationale, à travers son état, n'avait pas le droit d'investir pour assurer son avenir.

Bien sûr toute politique exige ses garde-fous. Mais il n'y a rien de vertueux pour nous à accepter qu'ils soient définis par des autorités autres que françaises. Quant à renoncer à conduire aucune politique économique, ou à disposer d'aucun levier qui permette de la conduire, c'est une attitude stupide, lâche, qui confine à la forfaiture et à la haute trahison. Ce renoncement permet à nos partenaires du monde entier de récupérer nos industries, nos marchés, et ainsi de confisquer l'avenir des Français.

La campagne pour sortir de l'Europe ne doit pas être perçue comme la crise nerveuse d'un peuple français qui serait ''incapable de se réformer faute de pouvoir résoudre ses contradictions''.

Se réformer pour obéir à l'Europe, c'est se formater pour le néant. La campagne pour sortir de l'Europe doit être la conséquence directe, consubstantielle, d'une volonté française de ré-industrialisation en vue du redressement.

Et il ne faut pas qu'il y ait de doute à ce sujet.

Publié dans politique

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M
<br /> J'aime bien cette analyse que je partage en grande partie.<br /> Les problèmes sociaux sont la conséquence des choix politiques plus que l'inverse. Quand les choix politiques condamnent les entrepreneurs à perdre de l'argent en France ou à en gagner à<br /> l'étranger, comment peuvent-ils assumer leur éventuel choix de rester ? En tirant sur tous les coûts, donc sur les salaires ; en demandant toujours plus à leurs salariés, allant souvent jusqu'au<br /> harcèlement moral....<br /> <br /> Sortir de l'Europe, je ne sais pas, mais en finir avec une politique monétaire qui interdit toute politique monétaire, oui. Car le traité de Maastricht a retiré tout pouvoir du politique sur la<br /> politique monétaire, et là réside une part importante de nos problèmes économiques.<br /> <br /> <br />
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